23 juillet 2008

La dame de Montgardin, d'après Juvenis

« M. Paparin estant sur la fin de sa course, le sieur de Chasteau-Gaillard, son neveu, pensant à un establissement, rechercha une jeune et belle femme, fille du sieur de l'Escuyer de Vaumeil, qui, estant atteint de la lèpre, alla au fleuve Jourdain et en guérit par l'ablution de ses eaux salutaires. Elle avoit pour mère damoiselle Isabeau du Plessis dont le père avoit esté massacré à Tallard, dans l'église, par les hérétiques, lorsqu'ils prirent d'assaut ce lieu, en haine de ce qu'il estoit trop bon catholique.
Ladite damoiselle de l'Escuyer estant veuve du sieur de Saint-Jaume, de la maison de Montgardin, ayant esté fiancée audit sieur de Chasteau-Gaillard, iceluy voulant conserver l'évesché de Gap à sa maison, il fit entendre à Dom Grégoire du Plessis, oncle de ladite damoiselle et frère de sa mère, qu'il luy feroit passer par son dit oncle une résignation de ladite évesché en sa faveur.
Mais ledit du Plessis, préférant les douceurs de la vie contemplative qu'il avoit gousté depuis quelques années dans la chartreuse où il estoit religieux, rejeta les offres dudit sieur de Chasteau-Gaillard, lui dit qu'il estoit plus amoureux de sa retraite que d'une mitre et qu'ayant renoncé absolument au monde il ne vouloit point d'évesché ni ouïr parler de son mariage.
Ainsi, les offres dudit de Chasteau-Gaillard estant rejettez, il s'en vint à Montgardin pour y voir sa fiancée et, ayant eu permission de l'espouser, on passa la nuit du jour qu'on avoit choisy pour cette cérémonie avec beaucoup de joye, de danses et festins, mesmes on remarqua que la fiancée et sa fille de chambre ne firent que danser et chanter mais, le lendemain au matin, comme on l'alla voir pour exécuter le mariage, on la trouva bien changée car elle dit à ses parents qu'il falloit qu'elle mourut et non pas se marier, qu'il n'y avoit plus de remède et qu'on luy fit venir un prestre ; ce qu'ayant esté fait, elle et sa fille de chambre s'estant confessées l'une après l'autre moururent presque en mesme temps. Ainsi les noces s'estant changées en deuil, le sieur de Chasteau-Gaillard se retira et, s'estant marié à une fille du sieur du Serre du Champsaur et de la damoiselle de Bonne, sœur du sieur d'Auriac, il fit passer une résignation à Charles-Salomon du Serre, frère aîné de la dite damoiselle, qui s'obligea par promesse signée de sa main de rendre à l'un des enfants de ce mariage la dite évesché dès qu'il seroit en estat de la posséder et qu'au cas qu'il manquast à sa parolle, il se soumettoit à la punition de Dieu. »
RAYMOND JUVENIS
Historien de Gap (1628-1705)

10 juillet 2008

Rixe au village (9 janvier 1746)

  • Sources : Archives départementales des Hautes-Alpes, cote B755.

Le texte qui suit est, dans un premier temps, retranscrit tel quel, c'est-à-dire dans un français très imparfait, sans ponctuation et avec un vocabulaire très pauvre. Une traduction est ensuite proposée pour en avoir une meilleure compréhension. Le texte a été écrit par un habitant de Montgardin dont le nom n'est pas cité. Celui-ci se plaint d'être, avec ses fils, victime d'un certain sieur La Chapelle, homme influent de Montgardin (Hautes-Alpes). Au vu du texte, il semble que l'on peut associer ce fait divers à une cérémonie d'abbé de la jeunesse.

(texte brut)

Monsieur thome est prie dinterroger les témoins sils ne scavent pas quil y a environ 4 mois que le sieur la chapelle insulta mon quatrieme fils ches jaques morel hotte dud lieu quil leva meme une chaise contre luy pour luy en doner et alors mon fils leva la bouteille et luy dit quil luy la jeteroit par la tette sil en faisoit le semblant
Sy le meme soir le sieur la chapelle ne chercha pas querelle a mon segond fils et luy dona un coup de baton sur lepaulle et alors mon fils luy jetta la boutteille par la tette lequel coup le sieur la chapelle esquiva et alors il se sauterent aus cheveus ou mon fils fut batu se trouvant plus faible le sieur la chapelle quand mon fils vint pour se retirer il dit quil le fasent alle cella quavant quil fut au logis quil aloit lasomer et quil ne vouloit (…) pour se défaire de toute ma famille
Sy quelque temps apres quil fut le jour des rois* le sieur la chapelle vint chez arnoux bermont hotte dud lieu acompagne denviron 34 paisans ou ils joinit a sa bande une recrue quil etoit loge chez led arnoux laquelle il fit ennivrer de meme que toute la bande et que luy avec tous les soldat de recrue et son frere ne discontinuerent de tirer de cous de fusil de tout le soir par la fenetre du sieur bermont qui joint mon pigeonnier et cela me fit sauver tous mes pigeons et il ne faisoit cela quen veue de minsulter et qualors led sieur la chapelle le fit porter sur une mechante chaise comme en triomphe par le vilage et comme il sait que mes enfens etoit a boire chez la veuve nicolas il y vint avec tout son monde et il mit deux sentinelle a la porte bayonette au bout du fusil defend que personne ne sortit
Sy quelque temps apres le sieur la chapelle se trouvant a boire chez jaques morel me deus aine il vinrent pour boire aussi le sieur la chapelle sortit et alla apeller un soldat de recrue quil avoit et luy dit de luy aller querir sa laisse quil voulloit aller engager deus viudazes** voullant parler de mes enfens et comme il vint au cabaret tambour batant et quand il fut entre dans le cabaret il se mit a la tette de la tette de la table ou mes enfens buvoit son son valet se mit a crier de par le roy messieurs qui voudra prendre party soit gentihomes ou non pu qua sadreser a mr la chapelle qui et la et sils ne veulent quil salliet tous faire foutre quil tu mon fil aine a luy jeter une asiette de bois par la tette et comme le sieur la chapelle vint luy dire pourquoi il batoit son valet lequel repondit parce que il minsulte et alors il vint pour luy sauter desus sur cella mon segond fils qui etoit la sortit un pistolet et luy dit que sil luy faisoit quelquechose quil luy caseroit la tette sur quoi led la chapelle luy dit quil ne devoit pas porter de pistolet come sa sur cella mon aine se fit donner le pistolet a son frere et le remit au sieur la chapelle en luy disant que puis que le pistolet luy faisoit de la peine puy lui faire voir quil ne vouloit pas quil luy le remetoit le sieur la chapelle le remit sur la table en disant quil nen avoit que faire
Sy dans cet intervalle le sieur la chapelle entendit ouvrir la porte bruit que cetoit ses freres qun de ses soldat etoit aller appeler se saisit du pistolet qui etoit sur la table et sauta aus cheveus a mes enfans et son valet vint par deriere il prit mon fils par led cheveus et en voulant luy doner un coup de chaise il dona au sieur la chapelle
Sil nont pas vu quand mon fils le quatrieme etoit par les rues avec son fusil sous le bras quil ne disoit mot a persone le sieur la chapelle vint par deriere et luy tira son fusil quil avoit sous le bras"

* 9 janvier 1746.
** "Viudaze", dérivé de "viet d'ase", signifie littéralement "verge d'âne". Le terme est devenu un juron et aussi un terme méprisant, avec le sens d'imbécile. (Renseignement de Jean Tosti.)

(texte réécrit)

M. Thomé est prié d’interroger les témoins qui confirmeront ce qui suit: il y a environ quatre mois, M. La Chapelle insulta mon quatrième fils chez Jacques Morel, propriétaire des lieux, leva même une chaise contre lui afin de le frapper. Mon fils prit alors une bouteille et lui dit qu’il la lui jetterait sur la tête s’il faisait mine de frapper.
Le même soir, M. La Chapelle chercha querelle à mon second fils en lui donnant un coup de bâton sur l’épaule. Mon fils lui jeta alors une bouteille sur la tête. M. La Chapelle esquiva le coup et tous deux se sautèrent dessus. Mon fils fut battu, étant plus faible. Voyant que mon fils voulait se retirer, M. La Chapelle lui dit qu’il allai l'assomer avant de rentrer chez lui, qu’il était plus fort que lui et que (…).

Quelque temps plus tard, le jour de l’Epiphanie, M. La Chapelle vint chez Arnoux Bermond, propriétaire des lieux, en compagnie d’environ trente-quatre paysans. Là, il fit une nouvelle recrue d’un homme qu’il enivra. Il fit boire toute sa bande. Lui et ses recrues ne cessèrent de tirer des coups de feu par la fenêtre de M. Bermond, qui donne sur mon pigeonnier. Les détonations firent s’envoler tous mes pigeons. M. La Chapelle ne faisait cela que pour m’insulter. Puis il se fit porter en triomphe sur une chaise à travers les rues du village. Sachant que mes enfants étaient en train de boire chez la veuve Nicolas, il s’y rendit avec tout son monde et mit deux sentinelles à la porte, baïonnette au fusil, afin d’empêcher quiconque d’en sortir.
Quelque temps plus tard, M. La Chapelle buvant chez Jacques Morel, il se trouva que mes deux plus grands fils vinrent y boire aussi. M. La Chapelle sortit et alla appeler un de ses hommes, lui demandant d’aller lui chercher sa laisse et lui dit qu’il voulait engager deux ânes, en parlant de mes fils. Il rentra en trombe dans le cabaret et se mit au bout de la table où étaient assis mes fils. Son valet se mit alors à crier: "Par le Roi, messieurs, que les gentilshommes prennent parti pour M. La Chapelle et que les autres aillent se faire foutre." Il essaya de tuer mon fils en lui jetant une assiette en bois. M. La Chapelle demanda à mon fils pourquoi il se battait avec le valet. Celui-ci répondit: "Parce qu’il m’insulte." Sur ce, M. La Chapelle lui sauta dessus. Mon second fils, qui était présent, sortit un pistolet et lui dit que s’il faisait quelque chose, il lui casserait la tête. M. La Chapelle lui dit qu’il ne devait pas porter de pistolet. Son frère lui prit son pistolet et le remit à M. La Chapelle, en disant : "Si c’est le pistolet qui vous gêne, je vous le donne." Mon autre fils protesta car il ne voulait pas donner le pistolet. M. La Chapelle le reposa sur la table en disant qu’il n’en avait que faire. Tout à coup, M. La Chapelle entendit la porte s’ouvrir. C’étaient les deux autres frères de mes fils qu’un soldat était parti appeler. M. La Chapelle prit le pistolet qui était sur la table et sauta sur mes enfants. Son valet vint par-derrière, prit mon fils par les cheveux et, voulant lui donner un coup de chaise, frappa en fait M. La Chapelle.
Mon quatrième fils était dans la rue, son fusil sous le bras, ne parlant à personne, quand M. La Chapelle vint par-derrière et lui prit son arme.

remerciements

Nos remerciements, pour l'aide au déchiffrage, vont, par ordre alphabétique, à:
Pierre-Valéry Archassal, Jean-Claude Billon, Monique Sancey et Jean Tosti.

Le mulet battu (23 mai 1746)

Information

Du second jour du mois de juin mille sept cent quarante six, pardevant nous, Pierre Thomé, avocat en la Cour, juge ordinaire au lieu de Montgardin, dans notre maison d’habitation à Gap, après midi, XXX le greffier de la communauté du baillage de Gap.

Aubert Estrion (1), fils de Pierre, ménager habitant à Montgardin, âgé d’environ douze ans, témoin produit et assigné à la requête de Louis Martel, feu Dominique, dudit lieu de Montgardin, par exploit du jour d’hier fait par Nicollas, huissier sergent, originaire dudit canton, en cette ville, le témoin nous ayant exhibé la copie à lui donnée, ouï et examiné tant à charge que décharge sur les faits plaintifs contenus en la requête dont nous lui avons fait faire lecture et au moyen du serment que nous lui avons fait prêté, levant la main à la manière accoutumée, a promis et juré de dire vérité au prix de la peine de mort portée par ordre contre les faux témoins (...).

Dépose qu’il y a environ neuf à dix jours, que s’étant trouvé avec le berger de Louis Martel, plaintif, avec quelques autres jeunes gens, à faire de paître leurs mulets dans les Isles de Montgardin, et en se retirant le soir dudit jour, le nommé Jean Bertrand, feu Pierre, du même lieu, fit un bridon de verne qu’il attacha avec deux oussines (2) et le mit dans la bouche d’un jeune mulet du plaintif, ce qu’ayant été aperçu par le témoin. Il dit audit Bertrand de laisser manger ledit jeune mulet à quoi il répondit qu’il avait assez de quoi manger, ayant un morceau de bois dans la bouche et, de suite, ledit Jean Bertrand monta sur ledit jeune mulet et, à grands coups de bâton, en donna sur ledit jeune mulet et lui fit prendre le galop du côté de la montée qui mène au quartier appelé les Aroncis. Etant arrivé auprès d’une terre appartenant à Joseph Bonnafoux (3), ledit Bertrand mit pied à terre, attendu que ledit jeune mulet était étouffé, ainsi qu’il parut au témoin et, un moment après, ledit témoin qui était premier vit que ledit Bertrand revint sur ledit mulet, ce que comme il ne voulait pas marcher. Il lui donna un coup de bâton à côté de l’oreille, duquel coup ledit mulet fut acculé et, dans l’instant, ledit Bertrand mit pied à terre et donna un second coup de bâton sur le cou, lequel coup renversa le dit mulet et, ledit Bertrand l’ayant pris par la queue en ayant voulu le relever, ledit mulet roula quelques pas et resta mort, ayant vu que ledit Bertrand mordit le bout des oreilles dudit mulet et acheva de les couper avec un couteau après quoi il vint joindre le témoin et les autres bergers qui étaient avec lui et leur dit que, s’ils en parlaient au plaintif, il les assommerait et qu’il quitterait le pays.

Et plus n’a dit savoir, lecture et répétition, a dit sa déposition contenir vérité, n’y voulant ajouter ni diminuer et persiste et, à son requis, lui avons fait taxe de vingt sols et avons signé avec le greffier de l’ancienneté, ledit témoin a déclaré ne le savoir faire de ce enquis et interpellé.

[Thomé] [Lauza greffier]

***

Florette Rougny, fille d’Antoine, ménager habitant au terroir de Montgardin, âgée d’environ seize ans, autre témoin produite et assignée à la requête dudit Martel par le susdit exploit du premier du courant nous en ayant exhibé la copie, ouï et examiné tant à charge qu’à décharge sur les faits contenus en la requête plaintive du vingt-huit du courant dont nous lui avons fait faire lecture, et au moyen du serment que nous lui avons fait prêter, levant la main à la manière accoutumée, a promis et juré de dire vérité au prix de la peine de mort portée par ordre contre les faux témoins.

Sur les généraux interrogats a dit n’être parente ni alliée, créancière, débitrice, servante, domestique ni autrement suspecte aux parties.

Dépose qu’étant à faire de paître les mulets et juments de son père il y a environ dix jours dans les Isles de Montgardin et se retirant à l’entrée de la nuit avec quelques autres bergers, elle vit que Jean Bertrand, fils à feu Pierre, du lieu de Montgardin, avait fait un bridon de bois, vulgairement appelé “verne”, qu’il avait attaché avec deux oussines. Il mit ledit morceau de bois dans la bouche d’un jeune mulet appartenant au plaintif après quoi il monta sur ledit mulet qu’il fit de suite galoper le long d’une montée fort rude qui conduit aux Aroncis, terroir de Montgardin et étant arrivé au-dessous du blé de Joseph Bonnafoux, ledit Bertrand mit pied à terre pour chasser du blé dudit Bonnafoux les autres mulets qui s’y étaient écartés, après quoi ledit Bertrand remonta sur ledit mulet, et comme il ne voulait pas marcher, la témoin (sic) vit que ledit Bertrand qui avait mit pied à terre donna un coup de bâton sur le cou dudit mulet qui était déjà acculé, sur lequel coup ledit mulet se renversa entièrement et resta mort, s’étant aperçu que ledit Bertrand mordit le bout des oreilles dudit mulet, après quoi il vint joindre la témoin à laquelle il dit qu’il avait coupé avec son couteau le bout des oreilles dudit mulet pour tâcher de le faire revenir, et plus n’a dit, savoir lecture et répétition faite de sa déposition, a dit qu’elle contient vérité, ni veut ajouter, ni diminuer et persiste, et, à son requis, lui avons fait taxe de vingt sols, et avons signé avec le greffier la témoin a déclaré ne le savoir faire de ce enquis et requis.

[Thomé] [Lauza greffier]

***

Michel Astier, fils de Joseph, dit Bagage, ménager habitant au lieu de Montgardin, âgé d’environ treize ans, autre témoin produit et assigné à la requête et par l’exploit que dessus, nous ayant exhibé la copie à lui donnée, ouï et examiné sur les faits contenue en la susdite requête plaintive dont nous lui avons fait faire lecture, et au moyen du serment que nous lui avons fait prêter, levant la main à la manière accoutumée, a promis et juré de dire vérité à charge et décharge, averti de la peine de mort porté par l’ordonnance contre les faux témoins.

Sur les généraux interrogats, a dit n'être parent, allié, créancier, débiteur, serviteur, domestique, ni autrement suspect aux parties.

Dépose qu’étant à faire de paître un boeuf et une bourrique appartenant à son père dans les Isles de Montgardin, il y a environ dix jours et se retirant sur le soir avec quelques autres bergers, il vit le nommé Jean Bertrand qui faisait aussi de paître des boeufs et deux bourriques, lequel fit un bridon de bois, vulgairement appelé verne, lequel il attacha avec deux oussines d’osier, et le mit dans la bouche d’un des jeunes mulets du plaintif, sur lequel il monta tout de suite, et le berger du plaintif lui ayant dit de laisser de paître ledit mulet, il lui répondit qu’il avait assez mangé et de suite ledit Bertrand fit prendre le galop audit mulet, lequel il pressa de toutes ses forces en tirant du côté des Aroncis, quartier de Montgardin, et comme le témoin se trouve habiter d’un autre côté et qu’il se sépara dudit Bertrand, il ne vit pas ce que ledit mulet devint, ayant seulement ouï dire à sa soeur que ledit mulet était mort en chemin le même soir; ajoutant que, le lendemain, s’étant trouvé dans les Isles à faire de paître leurs bestiaux avec ledit Jean Bertrand, ce dernier dit au témoin que, s’il en parlait au plaintif, il lui donnerait des coups de bâton à la première rencontre et qu’il quitterait ensuite le pays, et plus n’a dit savoir; lecture et répétition faite de sa déposition, a dit qu’elle contient vérité, qu’il n’y veut ajouter ni diminuer, qu’il y persiste et, à son requis, lui avons taxé une livre, et avons signé avec le greffier, le témoin a déclaré ne le savoir faire, enquis et requis.

[Thomé] [Lauza]


  1. Lire “Astrion”.
  2. Trique flexible servant à fouetter.
  3. Ce Joseph Bonnafoux est un de mes ancêtres.
  • Source : Archives départementales des Hautes-Alpes, B755, justice seigneuriale de Montgardin.
  • Photographie : Mulet dans les Hautes-Alpes. Jean Marie Desbois, 2002.

Les Astier molestent la famille Gontrand (28 octobre 1746)

  • Source : Archives départementales des Hautes-Alpes, B755

A Monsieur le Juge du lieu de Montgardin

Supplient humblement Antoine Gontrand et Marguerite Rougny, mariés, Jacques Gontrand et Marie Martel, aussi mariés, tous habitants au dit Montgardin,

Représentent que le jour d’hier vendredi, sur environ les quatre à cinq heures du soir, Antoine Gontrand, l’un des suppliants, étant auprès de sa maison où il préparait une pièce d’un traîneau, il s’aperçut que les nommés Étienne et Dominique Astier, frères, et Joseph Astier dit Bagage, tous du lieu de Montgardin conduisaient des pièces de bois après avec leurs boeufs, et qu’ils passaient avec leur attelage sur une pièce de terre appartenant aux suppliants, nouvellement ensemencée de blé froment et, ayant voulu représenté aux dits Astier qu’ils pouvaient suivre le chemin et ne pas passer sur ledit fonds, ni lui porter aucun préjudice, les dits Astier bientôt (un mot ill.) contre ledit Gontrand auquel ils jetèrent plusieurs pierres dont quelques-unes l’atteignirent et lui firent diverses contusions.

La femme, le fils de la belle-fille du dit Gontrand ayant entendu la dispute se rendirent sur l’endroit d’où venait le bruit et, ayant voulu délivrer leur père et mari des cruelles mains de ses ennemis, ils ne furent pas plus épargnés que lui en ce que les dits Astier, au nombre de trois, se jetèrent d’abord sur Jacques Gontrand fils, auquel ils voulurent ôter un bâton qu’il avait entre les mains, pour le frapper, après quoi ils donnèrent plusieurs coups de pierre, de bâton et de poings tant à la femme de Gontrand père qu’à celle de Gontrand fils qui se trouve enceinte de trois mois, lesquels coups les dites femmes furent renversées et restèrent évanouies, de telle sorte que si les dits Astier n’avaient craint l’approche de personnes qui accoururent aux cris des suppliants, ils les auraient infailliblement massacrés et, comme une pareille voie de fait mérite représentation, les suppliants demandent

A ce qu’il vous plaise, Monsieur, ordonner qu’il soit informé pardevant vous des faits contenus en la présente tant à charge que décharge circonstances (un mot ill.) il vous plaira vous transporter au lieu de Montgardin avec votre greffier pour prendre la dite information et (un mot ill.) le premier chirurgien juré pour procéder à la vérification des blessures faites aux suppliants.

Des témoins seront produits pardevant nous aux fins de la présente et au surplus est octroyée la commission requise à Gap, le 29 octobre 1746.

[Thomé]

Voyager en temps d'épidémie (5 mars 1791)

"Nous maire et officiers municipaux de la communauté de Montgardin, certifions à tous qu'il appartiendra que le nommé Joseph Bonnafoux et Marguerite Bonnafoux, sa fille, partent d'icy en bonne santé, grâces à Dieu, pour aller à Marseille. En conséquence, prions tous ceux qui sont à prier de les laisser librement et paisiblement passer, sans leur donner aucun trouble ny permetre leur être donné, au contraire leur donner aide et secours en cas de besoin, permetant d'en user de même le cas échéant ; en conséquence avons signé le présent à Montgardin, le cinq mars mille sept cents quatre-vingts onze."

[P. MICHEL, maire, J. BROCHIER, officier]

[contremarque]
Vu pour retourner à Montgardin.
Marseille le 28 mars 1791.

  • Archives départementales des Hautes-Alpes, E dépôt 1 - I4.

Crue du Dévezet (21 juin 1798)

Chorges, le 3 messidor.
Aux citoyens administrateurs du département,
Citoyens, je vous préviens qu'une grande crue d'eau a tombé au béat du Sarruchet (1) et qu'il a intercepté la grande route, impossible que personne ne puisse y passer ny à pied ny à cheval. Je vous prie d'envoyer un ingénieur pour qu'il puisse prendre le party le plus court.

Salut et amitié

[ROUT]

  • Source : Archives départementales des Hautes-Alpes.
  • Transmis par Marie-Thérèse Rostan.

(1) "charuchet".

Délit forestier des Meissonnier père et fils (27 juillet 1807)

  • Sources : Annales forestières, faisant suite au Mémorial forestier..., Paris, 1809, p. 101-102.
L'individu surpris enlevant dans une forêt des bois coupés en délit doit être considéré comme auteur de ce délit ou comme y ayant coopéré et est passible, sous l'un et l'autre rapport, des mêmes peines.
(Arrêt de la Cour de Cassation du 31 avril 1808)

Suivant un procès verbal du 27 juillet 1807, les agens forestiers de l'arrondissement de Gap, département des Hautes-Alpes, rencontrèrent dans les bois communaux de Montgardin, Michel Meissonnier fils qui liait avec une corde un fagot de jeunes plants de bois pin, et qui en avait une assez grande quantité près de lui, gisant par terre, lesquels pouvaient faire en tout la charge de deux bêtes de somme.
Ils ne doutèrent pas que ce particulier n'eût coupé ces branches, d'après son refus de répondre à l'interpellation qu'ils lui firent à cet égard, et autres circonstances accessoires.
En conséquence, ils dressèrent procès-verbal de ce délit. Bientôt après, Meissonnier fils, ainsi que son père, comme responsable des faits de ce dernier, furent traduits devant le tribunal correctionnel séant à Gap.
Le jugement qui intervint se contenta de condamner le père et le fils à 1 franc 2 centimes d'amende, et à pareille somme de dommages et intérêts envers la commmune de Montgardin.
Là, le fils dénia avoir coupé les branches et convint seulement en avoir pris pour faire un fagot qu'il avoit porté chez son père.
Sur l'appel interjeté de ce jugement, par l'administration forestière, en la cour de justice criminelle du département des Hautes-Alpes, intervint arrêt confirmatif ;
Et sur le pourvoi de l'administration contre cet arrêt la Cour de Cassation a prononcé ainsi qu'il suit :
« Ouï M. Vermeil et M. Pons pour M. le procureur général impérial,
« Vu l'art. 1er du titre XXXII de l'ordonnance de 1669 qui règle le montant des amendes pour délits résultans des coupes faites dans les forêts ;
« Et attendu qu'il était constaté par un procès-verbal régulier que Meissonnier fils avoit été trouvé dans le bois communal de Montgardin liant avec une corde un fagot de jeunes plantes bois pin, qu'interpellé si c'était lui qui avoit coupé lesdites plantes il n'avoit fait aucune réponse légale et que celui qui est trouvé dans un bois avec des bois de délit est auteur de la coupe en délit, que dès lors, les peines prononcées en l'art. I du titre XXXII de l'ordonnance de 1669 devaient être appliquées à Meissonnier ;
« Qu'en ne prononçant contre lui qu'une peine portée à l'art. 3 du même titre, la Cour de justice criminelle du département des Hautes-Alpes a fait une fausse application de cet article qui n'a pour objet que les vols de merrains, bois de chauffage, et fagots dans les parties de bois en exploitation et au préjudice des propriétaires des bois mis en œuvre, ou des fagots faits par eux dans lesdites parties de bois ;
« Que de cette fausse application il est résulté une violation de l'art 1 du titre XXXII de l'ordonnance de 1669 ;
« D'après ces motifs, la Cour, faisant droit sur le pourvoi, casse et annule l'arrêt de la cour de justice criminelle du département des Hautes-Alpes du 18 mars 1808 Que de cette fausse application il est résulté une violation de l art I du titre XXXII de l'ordonnance de 1669. »

Noyée dans l'Avance (1er juillet 1832)

L’an mille huit cent trente-deux et le deux du mois de juillet à huit heures du matin, pardevant nous Turcan, maire et officier de l’Etat-civil de la commune de Montgardin, canton de la Bâtie-Neuve, département des Hautes-Alpes, sont comparus Pierre Durand, âgé de cinquante-deux ans, père de la défunte, et Jean Joseph Bonnaffoux, âgé de trente-huit ans, et Casimir Turcan, âgé de vingt-deux ans, tous les deux cultivateurs domiciliés dans la commune de Montgardin, lesquels nous ont déclaré que le premier juillet à sept heures du soir, Rose Durand, âgée de seize ans, fille de Pierre Durand et de Anne Doutre, âgée de quarante-neuf ans, tous les deux cultivateurs domiciliés dans la commune de Chorges, leur fille décédée dans le terroir de Montgardin, qui s’est noyée dans la rivière de l’Avance et les déclarants ont signé avec nous le présent acte de décès, après que lecture leur en a été faite, non ledit Durand père pour ne savoir signer.

Jean Joseph Bonnafous, Casimir Turcan, J. F. Turcan, maire

  • * Archives départementales des Hautes-Alpes. Registre d'État-civil de Montgardin, année 1832.

Un garde forestier négligent (18 juillet 1837)

Lettre du préfet des Hautes-Alpes à Gap, au maire de Montgardin (Hautes-Alpes).

Gap, le 18 juillet 1837,
Monsieur le Maire,

M. le Conservateur des forêts m’informe par sa lettre du 13 de ce mois que le garde-forestier Garcet (1), attaché au triage dont votre commune fait partie, néglige tellement son service qu’il a laissé couper et enlever en délit 110 arbres dans la forêt de Chabre et qu’une pareille conduite ne permet pas de le maintenir plus longtemps dans son poste. Il demande en conséquence sa révocation et son remplacement immédiat.
Je vous autorise à réunir de suite le conseil municipal à l’effet de me faire connaître son opinion sur l’opportunité de cette mesure, conformément à l’article 98 du code forestier et vous invite à m’adresser une expédition de sa délibération à intervenir dans les jours de la présente au plus tard.
Je dois vous prévenir en terminant que si vous négligiez de provoquer et de me faire transmettre ce renseignement dans le délai, il serait prononcé d’office sur le sort du garde Garcet.

Recevez, Monsieur le Maire, l’assurance de ma considération distinguée.
Le Préfet.

(1) Ce Garcet semble se référer à Joseph Garcin. Rien ne semble indiquer qu'il a réellement été révoqué à l'issue de cette affaire, puisque Joseph Garcin était le garde-champêtre sortant en 1843.

  • * Archives départementales des Hautes-Alpes, E dépôt 1, K5.

Une battue aux loups (5 mai 1839)

Gap, le 2 mai 1839,
Monsieur le Maire,

Par son arrêté du 27 avril dernier, Monsieur le Préfet m’ordonnant une battue aux loups, dans les bois communaux d’Avançon, Montgardin et Chorges, a bien voulu m’en confier la direction et me charger du soin d’en fixer l’heure et le jour.

Cette battue aura donc lieu dimanche prochain, 5 du présent mois, mais elle devra commencer dans les bois des trois communes à sept heures précises. Voici les diverses dispositions qu’il convient de prendre pour en assurer le succès :

1° Il faudra vous procurer le plus grand nombre possible de traqueurs et, à l’heure fixée, faire commencer la battue, en la dirigeant du pied du bois vers leur sommet et du côté de Chorges, autant que faire se peut, afin que si les loups étaient manqués par vos tireurs, ils puisent être rejetés sur ceux de cette commune.

2° Vous aurez la bonté de choisir les divers habitants de votre commune réputés pour être les meilleurs tireurs, et ceux-là seulement devront être postés et armés de fusils. Il suffit qu’ils soient assez nombreux pour cerner les côtés du bois opposés à celui d’où partiront les traqueurs. Vous voudrez bien remarquer que les battues sont souvent sans succès parce que tout le monde veut porter un fusil et que, par conséquent, le nombre des traqueurs est insuffisant.

3° Il est important que vous assistiez vous-même à la battue ou que vous vous y fassiez représenter, soit par votre adjoint, soit par un membre du conseil municipal, assez ferme et influent pour se faire obéir.

4° Vous voudrez bien informer vos administrés qu’il ne doit pas être tiré un coup de fusil sur quelle pièce de gibier quelque ce soit, et qu’il sera dressé procès-verbal contre tout individu qui enfreindrait cette défense. Cette condition est rigoureusement nécessaire. Si elle n’est pas exécuté, il est impossible de détruire les loups parce que un coup de fusil tiré dans une direction leur en fait prendre une autre et qu’alors ils passent loin des chasseurs.

Telles sont, M. le Maire, les dispositions vraiment utiles dont j’ai l’honneur de vous prier d’assurer l’exécution dans votre commune. Au reste, M. le Garde général et moi assisteront lui à Avançon, et moi à Montgardin à cette battue, mais il n’importe pas moins que les dispositions soient prises d’avance.

Recevez, Monsieur le Maire, l’assurance de ma considération distinguée.

L’Inspecteur des forêts.

  • * Archives départementales des Hautes-Alpes, E dépôt 1, F3.

3 juillet 2008

Un garde champêtre peu zélé (1er janvier 1845)

Lettre du maire de Montgardin (Hautes-Alpes) au garde forestier communal.

A Montgardin le 1er janvier 1845.

Mon cher,
J'ai l'honneur de vous prévenir qu'il se fait de grands délits dans les forêts de cette commune. J'espère que vous voudrez bien, sans cependant trop exagérer dans les affaires, faire quelque apparition un peu plus fréquente.
Monsieur, j'ai l'honneur de vous saluer.

Le Maire

On peut raisonnablement penser, en lisant cette courte lettre, qu'il y a chez le maire de la commune, un agacement critique à peine voilé dans ses propos : "sans cependant trop exagérer..." La mairie de Montgardin a souvent eu du souci avec ses gardes. Nous y reviendrons.

Le cheval morveux du sieur Jartoux (19 novembre 1845)

  • Archives départementales des Hautes-Alpes, E dépôt 1 - I4.

Préfecture des Hautes-Alpes

Gap, le 19 novembre 1845

Monsieur le Maire, dans un rapport que je reçois, le sieur Lamotte, vétérinaire, me fait connaître qu’il s’est rendu chez le sieur Jean Jacques Jartoux, marchand de bestiaux et propriétaire à Montgardin, pour y examiner un cheval qui, atteint de la morve, aurait communiqué ce mal contagieux à une mule appartenant à la veuve Peyrot d’Avançon. En effet, cet artiste vétérinaire a reconnu qu’il existait dans l’écurie dudit Jartoux un cheval de moyenne taille, gris et blanc, et hors d’âge, lequel est affecté de la maladie contagieuse de la morve arrivée au dernier période (sic).

Je vous invite à prescrire au sieur Jartoux d’abattre immédiatement le cheval dont il s’agit et de l’enfouir dans une fosse profonde, éloignée de cent mètres au moins de toute habitation. Il sera dressé procès-verbal de cette opération, à laquelle il devra être procédé d’office et aux frais du propriétaire, si après trois jours vos ordres à cet égard n’ont pas été exécutés.

Recevez, Monsieur le Maire, l’assurance de ma considération distinguée.

Le Préfet

A M. le Maire de Montgardin.


***

[Lettre du maire de Montgardin à Jean Jacques Jartoux]

Montgardin le 21 novembre 1845

Monsieur,

Je viens de recevoir à l’instant un ordre de M. le Préfet qui vous ordonne d’enfouir à cent mètres au moins éloigné de toute habitation un cheval gris blanc qui, d’après le rapport du vétérinaire, est atteint de la maladie contagieuse de la morve.

Si, passé le délai de trois jours, vous n’avez pas procédé et mis à exécution le présent ordre, il en sera dressé procès-verbal et serez poursuivi, conformément à la loi.

Je vous salue

© Jean Marie Desbois, 2008-2009

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